24/07/2009

Niche Homo #2, hiver 2009, Glaoucheland (UK)

Sous-titré « Superior toilet literature », Niche Homo est effectivement à placer pas très loin de la cuvette des chiottes. Parce qu’on s’y attardera longtemps (il y a beaucoup à lire), et qu’on passera un bon moment (donc joindre l’agréable à l’utile). Nick Jones, l’une des deux manettes de ce zine, est un vieux fanzineur et cela se ressent très vite : les interviews sont solides, profondes, souvent critiques, il y a du contenu et on se régale. L’échange avec Tom Hazelmyer (H-O-F, ex-Halo Of Flies, et surtout créateur de Amphetamine Reptile Records, le label des Melvins) est par exemple une véritable discussion sur les réelles motivations d’un groupe faisant un simili come-back quinze ans après un premier split. C’est d’autant plus intéressant que le groupe en question évoluait dans une sphère punk plutôt radicale et que Nick Jones l'avait déjà rencontré quelques années plus tôt. Hazelmyer se fend de quelques réflexions sensées sur les atouts du numérique, même s’il reste un indécrottable collectionneur de vinyles (quand on a édité des 45 tours sous 39 formats différents pour rendre dingue les collectionneurs, on s’en doutait un peu).

Une longue interview (9 pages) du groupe Fucked Up (Toronto) vaut à elle seule l’acquisition du zine. FU est doublement surprenant: d’abord musicalement, il se définit comme de la oi! progressive, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention ; ensuite, ce groupe se fait accompagner d’un avocat avant de signer un contrat avec un label… là, rien que le fait d’imaginer la scène fait franchement rigoler. Ces considérations personnelles primaires mises à part, ces mecs s’attardent sur le paradoxe à jouer dans un groupe à caractère « anti-social » et se voir interdire de jouer par la police pour ces mêmes raisons : « On emmerde tellement les autorités que les flics débarquent et nous disent « çà suffit, c’est fini pour ce soir ». Les flics font juste leur boulot qui est d’essayer de maintenir l’ordre, nous on fait le nôtre qui est d’essayer de bouleverser l’ordre établi, les gamins font le leur en devenant tarés et en essayant de chambouler l’ordre établi. Donc, çà marche comme prévu. Le fait qu’un flic arrête le concert démontre que notre démarche est efficace. Mais en même temps, six fois de suite, c’était hyper-frustrant et çà a dégénéré. On s’est battus entre nous. » On se fend en deux en découvrant la vie chaotique d’un vrai groupe de oi! du 21e siècle : la bagarre générale déclenchée à l’aéroport d’Heathrow (« je lui ai mis un double retourné dans la gueule, et comme je pèse 140 kg, çà l’a quasiment tué », l’arrêt immédiat d’une première partie de Mindless Self Indulgence quand le chanteur de FU se met à poil (« çà pourrait choquer le public ! »), les habituelles interrogations métaphysiques de tout groupe de rock : doit-on inclure dans l’album cette chanson sur la persécution de Britney Spears par les médias ?, « Je lisais beaucoup de livres avant d’écrire les paroles, maintenant que j’ai un téléphone portable je passe mon temps à envoyer des textos ou à jouer à la Gameboy ». « Et quand tu t’ouvres le crâne au début le concert, c’est pour te motiver ? Non, je trouve juste que le sang est un bon lubrifiant social… », il en reste quelques pages dans la même veine.

Les Vivian Girls n’ont certes pas inventé la noisy pop mais avec leurs gueules vintage trois parfums (lager, porter et stout, il y en a pour tous les goûts), on leur pardonnera beaucoup plus facilement leur resucée de Jesus & Mary Chain vs Lush. Qu’elles citent Nevermind de Nirvana comme une influence majeure laisse un peu pantois, mais c’est à cela qu’on constate qu’on est un peu snob et qu’elles, au contraire, ont gardé toute leur simplicité adolescente. L’interview trahit très bien cette spontanéité (ingénuité ?) : « On a dit que vous ressembliez à Black Tambourine… Ouais, c’est marrant parce qu’en fait un type nous a dit çà après le pire de nos concerts où on a eu de gros problèmes de sons. On a donc écouté ce groupe et on a trouvé çà super, c’était exactement le son que l’on recherchait, et c’est à partir de là qu’on a mis certaines réverbs – en fait qu’on a eu l’idée de mettre des réverbs – ». Quel autre groupe avouerait avoir modifié et trouvé son identité sonore après un concert raté qu’un gus probablement bourré aura trouvé intéressant ? Hormis cette fraîcheur des propos, çà ne vole pas très haut, mais bon c’est comme les footballeurs on ne leur demande pas, en plus, d’être forcément des philosophes (salut Vikash!).

Bilge Pump est également longuement interviewé, mais je n’ai eu envie de lire cet entretien, les gueules des mecs ne me revenant pas. Ce sera mon délit de faciès du jour.

Une BD imbitable de 7 pages occupe le cœur du zine ; le pitch : l’histoire d’un mec paumé dont le seul ami est une bite qui dépasse du mur de sa chambre… les artistes, quand même !

Comme dans tout fanzine punk, NH a sa part de « rubriques à la con », comme ce jeu-concours où l’on doit reconnaître à qui appartiennent ces paires de seins ou ces bites dessinées à la va-vite… très private joke, une marque de fabrique du genre. Pour finir, outre quelques chroniques de disques plus ou moins obscurs, j’ai bien apprécié la rubrique « Suggested zine names ».

Niche Homo #2, hiver 2009, A5, 56 pages N&B website