06/06/2009

Scotch + Penicillin, Rennes, France, 1995-2009


Les perzines, littéralement "zines personnels", sont les ancêtres des blogs. Des journaux intimes édités à quelques exemplaires sur papier. Il en existe dans tous les domaines, mais c'est surtout dans le monde de la bande-dessinée que ce support a connu le plus fort développement, nombre de dessinateurs s'étant fait connaître auprès d'éditeurs par ce biais. Ces perzines sont alors essentiellement graphiques: des carnets de dessins, des collections de travaux, des esquisses diverses, que l'artiste finit par publier à faible tirage. Il n'y a pas forcément de cohérence interne, de suite logique... Pourtant, parmi les perzines graphiques, certains racontent "au quotidien" la vie de leur auteur. Rad Party est un inestimable témoignage sur la vie nocturne de la scène "rock" (surtout HxC) parisienne. Plus jamais malade en auto est plus centré indie pop. C'est aussi le cas de S&P, publié par Tony Papin, depuis 1995. C'est en vidant mes derniers cartons de fanzines ramenés depuis Clermont que je suis retombé sur les 17 premiers numéros de ce zine de 8 pages format A6. Le n°17 datait de décembre 2002.
S&P c'est avant tout un dessin épuré, un trait saccadé, un "gribouillage" direct. C'est un artiste qui se cherche et c'est amusant de voir l'évolution du coup de crayon d'année en année. Mais S&P c'est surtout un regard faussement naïf sur le monde de tous les jours. Tony Papin se saisit des multiples pensées - graves, fantasques, incongrues, idiotes parfois - qui nous assaillent tous à chaque instant et les immortalise dans un dessin, un strip, ou une pensée. C'est souvent désopilant.

- "Après avoir mangé du chocolat, si on se brosse les dents, on a un goût de After Eight" (S&P, n°14, 1999).
- "Est-ce que mes parents me préfèrent à Thalassa ?"(S&P, n°14, 1999)
- "Le sang qui irrigue actuellement votre cerveau était dans vos chaussures il y a peine quelques secondes" (S&P, n°16, juin 2000)

Remis dans leur contexte, ces dessins bêbêtes s'inscrivent comme la bande-son idéale de la "nouvelle chanson française" des années 90 (la "chanson bêbête" justement, comme l'avait baptisée un peu trop hâtivement Libé): Katerine et Dominique A en tête.
A ma grande surprise (et joie) , S&P existe toujours. C'est au format blog que Tony Papin (un fan de Lou Barlow ne peut être foncièrement mauvais) continue de distiller sa poésie graphique. Un dessin par jour, c'est peut-être mieux qu'un zine tous les 1, 2, 6 mois... Les fanzines papiers (19 n° au total) ont été numérisés et sont consultables intégralement ici. S&P a franchi la barrière numérique sans encombre: l'esprit du support papier est toujours là, on se sent en terrain connu. D'autres ont plus mal vécu le transfert : Rad Party version blog a, par exemple, perdu le formidable impact graphique du zine papier.
Extrait de Rad Party

Dans la même veine, Un fanzine à la taille de mes ambitions, publié par Anne Bacheley, à Nantes entre 2001 et 2005, et que j'avais interviewé dans Sniffin'Glue.

Scotch+Penicillin, c'est ici

01/06/2009

Self Destruct #1 - Sydney, Australie - 2009

Un zine de 18 pages A4 photocopies NB. Mise en page oldschool: les textes sont imprimés en noir dans des encarts à fond blanc découpés et collés sur des mosaiques de photos assurant l'arrière-plan. Ce zine de Sydney nous propose un portrait du serial killer cannibale Albert Fish en guise de 1ère de couverture et la lettre qu'il rédigea à la mère de l'une de ses victimes, Grace Budd, en 4e de couverture. On ne sait trop pourquoi, peut-être en raison de ces mêmes lettres envoyées aux familes de ses victimes qui concourirent à sa perte - l'auteur tentant une analogie entre sa publication et celle de Fish ? Ce fanzine est en effet le deuxième essai de l'auteur, Gill Perrin, qui en a en rédigé un premier mais a renoncé à le publier pour être sûr d'avoir à regretter ce choix plus tard. Self Destruct est un titre qui n'a donc pas été choisi au hasard, comme en témoigne l'auteur qui déclare que son état mental et physique se dégrade doucement mais surement.
Au programme : Had It pour 3 pages de banalités et de poncifs sur le rock, le punk et le HxC qui finisse par un "Let Sydney Die" de circonstance. Vague impression de lire un rapport de casting pour la Nouvelle Rock Star. Pressures On est nettement plus intéressant et "authentique" (si ce mot a encore un sens) dans sa démarche. Pourquoi préfèrent-ils sortir des K7 démos plutôt que des CDR ? "les groupes hardcore font des K7 démos. Trop de groupes passent trop de temps à faire de belles démos. Mais on ne considère pas que ce sont de vraies réalisations. Les K7 sont plus dans l'esprit", les thèmes des chansons ? "En fait, je n'en sais rien, je n'ai jamais écouté les textes du chanteur, pour moi le hardcore ne doit pas être un guide moral. Je n'ai pas besoin de voir un morveux de 21 ans qui vit chez sa mère me donner des conseils sur la façon de mener ma vie". Deathcage nous raconte sa journée "Je me lève à 5 heures, fais du dessin, sort de chez moi vers 7-8 heures, vais à la salle de gym puis à ma boutique de tatouage. J'achète des disques le midi, je retourne à la boutique et tatoue d'autres personnes, je rentre à la maison, je refais quelques dessins, je dors. Bref, j'ai une vie standard." Idem pour moi, sauf que je me lève plus tard. Le reste de l'interview est également assez sarcastique et vaut le détour. La chanteuse de Crux "adore les tournées en Asie mais regrette de ne pas avoir assez de temps pour aller à la plage à cause des délais dans les aéroports, les trains à prendre, etc.", c'est çà ouais, et en plus, ma jolie, on est complètement jet-lagué, putain de rock'n'roll !
Ajoutez à cela, deux pages de comptes-rendus de soirées/concerts de la même veine que l'excellentissime Rad Party.
Je vous mets ci-dessous la want list vinyles de G. Perrin, une pratique qui revient dans les fanzines punk HxC, un biais pour dénicher des disques sans passer par ebay ou autres distro merchantiles pratiquant des prix prohibitifs. Tous vos messages de haine doivent aller à gill_perrin(a)hotmail.com. Le zine coute AUD$3 chez les disquaires.