05/09/2009

Electric Annihilation #1, Frisco, USA, 2009

Premier numéro de ce zine qui affiche d’emblée de fortes ambitions – à l’instar de pas mal de zines US imprimés sur papier journal (Distortion, HeartAttack, Impact…) – puisque le tirage initial est de 5000 ex. et que la distribution est quasi-mondiale via le réseau des disquaires indés et des distros (voir le site d’EA). Le zine a un format plié de 22x29 cm mais se déplie et se lit en 44x29 (pour ceux qui aiment le journalisme de précision), avec poster central (imaginez le rendu d’un poster N&B sur papier journal…). Ce projet mené par Tynan Krakoff s’est fixé pour objectif de soutenir la scène expérimentale, la seule, selon lui, qui pousse la musique dans ses derniers (?) retranchements. Un avis partagé par Henry Rollins (interviewé par email) qui pense que la noise expérimentale est « la seule musique, ou quoi que vous l’appeliez, à ne pas faire de compromis. C’est la voie que le punk aurait dû suivre. La pureté de l’ensemble de la scène est attirante pour moi. De plus, il s’y trouve de vrais talents et de vraies visions. Ce pourrait être le nouveau be bop ». Euh… lui, là !
Une des qualités premières de ce zine est le ton très amateur qui colorie les interviews ; lorsque les artistes ont été rencontrés les questions sont à la fois d’une banalité affligeante (combien avez-vous fait de concerts ? quand avez-vous commencé ?- mais il faut bien apprendre le métier-) et beaucoup plus subtiles, EA ne semblant rien couper mais transcrivant l’ensemble de l’entretien (2 pleines pages pour Sun Araw, 15 questions). C’est un aspect brut de décoffrage qui est très plaisant. Par contre, la grille du questionnaire étant grosso modo la même d’un groupe à l’autre, la lecture devient parfois répétitive, mais bon… Parmi les interviews qui m’ont particulièrement intéressées, celle de John Olson, créateur du label American Tapes et membre de Wolf Eyes, Dead machines, etc. Cette interview dérive très vite en discussion sur la scène de Detroit, les concerts à domicile, la mobilité des artistes qui passent d’un projet à l’autre à l’instar des jazzmen, mais aussi sur l’absence apparente de « sang neuf ».
Je fais une digression : American Tapes tourne depuis 1991 et est devenu depuis quelques années le meilleur label de la scène expérimentale. Meilleur ne veux absolument rien dire certes, disons que c’est le genre de label qui donnent de l’espoir : on peut renoncer à tout compromis et avancer tranquillement, faire évoluer les choses tout en restant intègre. Pour contrer la société de consommation et ses artifices qui nous rendent dépendants, AT a poussé à l’extrême la notion de « collector » et autres raretés : plus de 800 références produites en 18 ans, chacune éditée d’un à deux cents exemplaires, toutes les pochettes étant réalisées à la main… autant dire impossible de tout collectionner, impossible de suivre le rythme infernal des sorties. Si çà vous amuse, allez voir ce qui se vend sur ebay
A propos d’intégrité, suit une interview avec Thurston Moore (dont il manque le début car la K7 n’a pas marché – old school failure!) qui nous raconte comment Sonic Youth s’est débarrassé de son contrat avec Geffen pour pouvoir publier ce qui bon leur semble : la stratégie a été d’honorer le contrat jusqu’au bout en produisant des disques « faciles » à gérer par les gens de Geffen… Sous-entendu, des disques qu’ils n’aimaient pas forcément mais qui leur permettraient d’être tranquilles… ma foi, c’est pas super intègre vis-à-vis de leur public… TM se laisse aussi aller à porter un regard critique de vieux noiseux sur l’évolution de la scène et le retour du format K7 « J’ai toujours pensé que le meilleur médium musical est la cassette normal bias, çà donne un son lourd ». Intéressant reportage sur la scène expérimentale de Göteborg qui est entrée en effervescence depuis deux ou trois ans, d’ailleurs il eut été pertinent de signaler à ce propos la sortir de la K7 « Ett Annat Göteborg » qui regroupe justement ces projets émergents (de la part du responsable de Release The Bats çà frôle la faute « professionnelle » !
site web du zine: www.electricannihilation.tk/

Edit du 8 mai 2011: Tynan vient d'annoncer qu'il abandonne la publication d'EA faute de contributeurs. Après avoir écrit seul ce numéro 1, il cherchait depuis deux ans des renforts capables de proposer de vrais articles de fond. Personne ne s'est manifesté en ce sens, malgré les éloges mérités suscités par ce premier opus. First and last and always...

16/08/2009

Cometbus, USA, 1983-1999


Je lisais récemment une chronique d’Aaron Cometbus (non, ce n’est pas son vrai nom) sur les journaux underground publiés par des lycéens de la côte ouest des USA. Le journal du lycée est une de ces institutions ultra-formatées et ultra-rigides qui codifient, outre-Atlantique, la vie scolaire : écrire dans le journal officiel c’est plus qu’être un bon élève, c’est déjà être un bon Américain. Y être rédacteur, c’est comme devenir pom-pom girl pour l’équipe de football (euh, çà vaut pour les filles seulement), c’est l'une des premières marches de l'escalier de l’ascension sociale, et çà fera la fierté de votre blonde de mère. Garant de la bonne morale, le journal du lycée n’a pas de place pour les sujets de mauvais goût, pour les critiques du système scolaire, pour le laisser-dire. "Sois sage et tais-toi" est la règle numéro un.

A côté de ces journaux adoubés par la morale WASP, vont surgir des journaux underground rassemblant les lycéens frustrés de ne pouvoir exprimer leur vision de la vie, leurs idéaux alternatifs, les sujets qui les préoccupent : la sexualité des adolescents, l’usage des drogues, ou plus simplement de pouvoir délirer sans tomber sous le joug de la censure. Aaron relevait que la motivation première de ces « zineurs » était la frustration voire la rage de ne pouvoir exprimer leur point de vue et l’incapacité des journaux officiels de traiter de sujets qui les intéressent vraiment. Dans un système qui contraint la liberté d’expression et l’individualité, cette rage s’exprime de différente manière : certains font des graffitis et des tags, d’autres détruisent de manière compulsive ce qui a trait à l’institution (chaises, portes, vitres…), en arrivant parfois à l’autodestruction via l’usage abusif de drogues. Quelques-uns expriment leur rébellion en créant un journal underground au sein du lycée. « Students Against Censorship », « Ob-zine », « Piedmont High School Anarchist » sont des titres qui traduisent bien le message que veulent faire passer ces adolescents.

Aaron Elliott, Cometbus

A propos de ce qui motive un (fan-)zineur
En 1981, dans la région de San Francisco, Aaron Elliott (ci-contre) et quelques-uns de ses camarades de classe ont matérialisé leur besoin d’extérioriser leurs frustrations sous la forme d’un zine dont le titre a changé à chaque numéro avant de se stabiliser autour de Cometbus à partir de 1983. Il est exceptionnel que ce zine ait duré plus de vingt-cinq ans et une cinquantaine de numéros. A posteriori, je trouve tout aussi étonnant de constater que The Gossip avait été créé, en 1988, dans un cadre scolaire à peu près comparable, sauf qu’on se trouvait sur la côte ouest de l’Europe, dans un lycée privé catholique. Même motif, même punition. Nous n’avions pas de modèle non plus, plutôt un anti-modèle : Bordel 666. J’avais acheté une copie de ce fanzine (4 francs en occaz) dans l’arrière boutique de chez Fuzz Disques. C’était un véritable OVNI. On a beaucoup rigolé en le lisant et je me souviens que BB s’était gaussé d’un définitif « ils se sont vraiment pas foulé les mecs, on peut faire mieux ». Le « Bordel » posé au milieu de la table, quelques tasses de cafés autour, c’est une première réunion de rédaction qui s’improvise ce samedi après-midi : quel est l’état des troupes ? Nous sommes déjà trois, Anthony, BB et moi (Bunker). Cela fait quelques semaines déjà que l’on va ensemble aux concerts organisés par OUF (Oasis de l’Univers Fun) au Majestic. On pense tout de suite à Pousse-Moussu, notre défricheur de talents qui s’ignorent, Hordax, le spécialiste des nouveaux genres metal (à l’époque on parlait encore de « hard-rock » pour en désigner tous les genres et les sous-genres) et Matoo-Wattoo, fan de rock français et surtout inégalable VRP. Le lundi suivant, c’est à la première récré qu’on réunit tout le monde et que le projet est lancé. Désormais on irait au concert avec un magnétophone non pour pirater, mais pour interviewer les groupes (on les aura préalablement piratés, mais çà fait partie du jeu). La première difficulté est de trouver un nom à ce fanzine. Réunion de crise chez Hordax. « Grolles en fer » proposé par Mattoo nous fera rigoler dix bonnes minutes sur le coup (et il traînera cela comme une vieille casserole pendant au moins cinq ans) ; avec vingt ans de recul, je crois que c’était le titre le plus pertinent, celui qui synthétisait le mieux l’esprit du milieu rock français de la fin des 80’s : les grolles en fer se sont les Doc Martens coquées que nous portions tous (sauf Hordax : le hard-rock n’avait pas encore fait sa révolution vestimentaire, c’était encore tiags et étriers), la traduction dans un français de rue une certaine métaphore de la dissolution réussie du punk rock anglais dans un rock français original (Bondage et New Rose). Sur le moment, la proposition de Mattoo nous avait paru plutôt ringarde. « L’Ancolie vulgaire » est sorti de je ne sais où, mais n’a pas résisté à une dissertation philosophique sur sa signification hautement spirituelle (du genre « ce sera, dans les fanzines, l’équivalent du clair-obscur dans l’art italien de la Renaissance ») et a été balayé d’un « ouais, bein c’est bien prise de tête ton truc ». D’autres propositions éphémères ont animé l’après-midi et, finalement, c’est « The Gossip » qui a fait l’unanimité, parce les potins seraient notre créneau et que nous étions tous fans des Toy Dolls et de leur morceau « Iddle Gossip » (d’où l’usage a priori incorrect du singulier). The Gossip était maintenant né. Le contenu était toujours vide mais nous savions déjà ce que serait la forme : un anti-Bordel 666. Bordel 666 était crade, mal photocopié, raturé de partout… punk quoi. Nous, nous voulions faire quelque chose de propre, nous étions tous d’accord là-dessus : la propreté de notre fanzine serait le gage de son sérieux. Comme quoi un projet « rebelle » conçu dans un lycée fondamentaliste n’est jamais totalement « rebelle ». Il n’y a pas mieux que Jésus-Christ pour vous blanchir le cerveau et faire de vous des agneaux subversifs mais propres sur eux.

Cometbus, c’est la vie sans internet
La chronique de Cometbus que j’évoquais en introduction recense une dizaine de journaux lycéens alternatifs parus au cours des années 80. Elle a été publiée en 1990 et fait partie des 608 pages réimprimées dans une anthologie sélective (plus de 2000 pages ont été publiées entre 1981 et 1999) du zine nord-californien. Despite Everything. A Cometbus Omnibus, a été éditée par Last Gasp en 2002. Aaron Cometbus, né en 1968, fanzine depuis l’été 1981 et illustre terriblement bien ce qui motive les fanzineurs : l’envie de partage, de raconter tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi, de sortir des sentiers battus de l’écriture quelle soit d’ordre journalistique, politique, critique, etc. Que le punk ait été l’étincelle qui a fait exploser le fanzinat n’a rien d’étonnant (facile) : l’esprit DIY (quelque chose comme « fais ce que tu veux, comme tu veux et, surtout, arrête de demander l’autorisation à ta mère ») a ouvert une brèche que les journalistes en herbe et en héro se sont pressés d’agrandir à coup de machines à écrire crachoteuses. Cometbus n’est pas un fanzine punk, c’est un zine de punks, un carnet de voyage dans le monde de la culture punk californienne : Aaron Elliott en est le noyau autour duquel gravite des amis, des rencontres fortuites au cours de voyage « à l’arrache » à travers les USA. Peu de chroniques de concerts au début, peu d’interviews, rien sur les disques, des extraits d’autres zines quand même, mais rien de vraiment prévisible : on est « sur la route » avec un punk aux cheveux bleus… L’esprit débridé de Cometbus est impossible à résumer mais la variété des rubriques parle d’elle-même : « Cereal news », et si nous allions vider le rayon de céréales de la supérette du coin et faisions un test comparatif ? un vrai challenge aux USA, voici la liste des céréales testés en 1990 : Cap’n Crunch, Teenage Mutant Ninja Turtle Cereal, Chex, Lucky, Barbie Cereal, Dinersaurs, Oatmeal, Coca Puffs, Trix, Sonny, Batman Cereal, Kix, Quisp, Morning Funnies, Maizoro Corn Flakes, Wheatabix, Nintendo Cereal System, Post Raisin Bran, Crunchberries, Alpha Bits, Breakfast Bears, Fruit Mamba Cereal, Pink Panther Cereal, Fruit Brute Cereal, Freakies Cereal, Fruity Pebbles, Cocoa Pebbles, Waffelos… on serait presque jaloux de ne pas être Américains au petit-déjeuner ; « The LA bathroom report », un multi-top chiottes local, « The Watermelon Dude Zone », une revue critique des livres pour enfants de la bibliothèque du quartier ; « The junkshops of uptown », un classement de la "volabilité" des boutiques de bric-à-brac (évaluée selon le potentiel de représailles – gars qui court vite ou pas, seul ou nombreux, regard vicieux ou pas –, et le potentiel de culpabilité – voler une petite vieille qui ouvre son magasin spécialement pour vous, çà fout une bonne dose de remords). Et puis on trouvera, au détour d'une page, quelques uns des petits joyaux qui font l'histoire du punk US : un compte-rendu graphique de la première tournée USA-Vancouver de Green Day (Aaron fait le roadie… il s’attarde sur les différences culturelles des Canadiens : pas les mêmes céréales (décidément!), ni les mêmes chewing-gums...), ou bien les reproductions de vieux zines (charnière des années 70-80). Des chroniques ciné qui deviendront des chroniques TV dès lors que le prix d’une entrée au cinéma a dépassé $5 et que l’auteur des chroniques se refuse de payer plus de $5 pour voir un film. Et puis le courrier des lecteurs, la seule rubrique régulière finalement, est une source intarissable de sourires. Cometbus, c’est la vie sans internet : tout se passe dans la rue, dans les bars, dans les caf’conc’, avec des gens, des vrais, des rencontres, des vraies. Çà vous rendrait presque nostalgique!
Graphiquement, Cometbus a imposé un style : celui du zine très largement manuscrit (parfois exclusivement), illustré de dessins cheaps, parfois de photos lo-fi. Un véritable esprit DIY que l’on retrouvera plus tard chez Rad Party, par exemple (ce n’est pas un hasard si Small Budget Productions, dirigé par Stéph de RP, a édité en 1997 un recueil traduit de Cometbus sous le titre En dépit de tout…).

24/07/2009

Niche Homo #2, hiver 2009, Glaoucheland (UK)

Sous-titré « Superior toilet literature », Niche Homo est effectivement à placer pas très loin de la cuvette des chiottes. Parce qu’on s’y attardera longtemps (il y a beaucoup à lire), et qu’on passera un bon moment (donc joindre l’agréable à l’utile). Nick Jones, l’une des deux manettes de ce zine, est un vieux fanzineur et cela se ressent très vite : les interviews sont solides, profondes, souvent critiques, il y a du contenu et on se régale. L’échange avec Tom Hazelmyer (H-O-F, ex-Halo Of Flies, et surtout créateur de Amphetamine Reptile Records, le label des Melvins) est par exemple une véritable discussion sur les réelles motivations d’un groupe faisant un simili come-back quinze ans après un premier split. C’est d’autant plus intéressant que le groupe en question évoluait dans une sphère punk plutôt radicale et que Nick Jones l'avait déjà rencontré quelques années plus tôt. Hazelmyer se fend de quelques réflexions sensées sur les atouts du numérique, même s’il reste un indécrottable collectionneur de vinyles (quand on a édité des 45 tours sous 39 formats différents pour rendre dingue les collectionneurs, on s’en doutait un peu).

Une longue interview (9 pages) du groupe Fucked Up (Toronto) vaut à elle seule l’acquisition du zine. FU est doublement surprenant: d’abord musicalement, il se définit comme de la oi! progressive, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention ; ensuite, ce groupe se fait accompagner d’un avocat avant de signer un contrat avec un label… là, rien que le fait d’imaginer la scène fait franchement rigoler. Ces considérations personnelles primaires mises à part, ces mecs s’attardent sur le paradoxe à jouer dans un groupe à caractère « anti-social » et se voir interdire de jouer par la police pour ces mêmes raisons : « On emmerde tellement les autorités que les flics débarquent et nous disent « çà suffit, c’est fini pour ce soir ». Les flics font juste leur boulot qui est d’essayer de maintenir l’ordre, nous on fait le nôtre qui est d’essayer de bouleverser l’ordre établi, les gamins font le leur en devenant tarés et en essayant de chambouler l’ordre établi. Donc, çà marche comme prévu. Le fait qu’un flic arrête le concert démontre que notre démarche est efficace. Mais en même temps, six fois de suite, c’était hyper-frustrant et çà a dégénéré. On s’est battus entre nous. » On se fend en deux en découvrant la vie chaotique d’un vrai groupe de oi! du 21e siècle : la bagarre générale déclenchée à l’aéroport d’Heathrow (« je lui ai mis un double retourné dans la gueule, et comme je pèse 140 kg, çà l’a quasiment tué », l’arrêt immédiat d’une première partie de Mindless Self Indulgence quand le chanteur de FU se met à poil (« çà pourrait choquer le public ! »), les habituelles interrogations métaphysiques de tout groupe de rock : doit-on inclure dans l’album cette chanson sur la persécution de Britney Spears par les médias ?, « Je lisais beaucoup de livres avant d’écrire les paroles, maintenant que j’ai un téléphone portable je passe mon temps à envoyer des textos ou à jouer à la Gameboy ». « Et quand tu t’ouvres le crâne au début le concert, c’est pour te motiver ? Non, je trouve juste que le sang est un bon lubrifiant social… », il en reste quelques pages dans la même veine.

Les Vivian Girls n’ont certes pas inventé la noisy pop mais avec leurs gueules vintage trois parfums (lager, porter et stout, il y en a pour tous les goûts), on leur pardonnera beaucoup plus facilement leur resucée de Jesus & Mary Chain vs Lush. Qu’elles citent Nevermind de Nirvana comme une influence majeure laisse un peu pantois, mais c’est à cela qu’on constate qu’on est un peu snob et qu’elles, au contraire, ont gardé toute leur simplicité adolescente. L’interview trahit très bien cette spontanéité (ingénuité ?) : « On a dit que vous ressembliez à Black Tambourine… Ouais, c’est marrant parce qu’en fait un type nous a dit çà après le pire de nos concerts où on a eu de gros problèmes de sons. On a donc écouté ce groupe et on a trouvé çà super, c’était exactement le son que l’on recherchait, et c’est à partir de là qu’on a mis certaines réverbs – en fait qu’on a eu l’idée de mettre des réverbs – ». Quel autre groupe avouerait avoir modifié et trouvé son identité sonore après un concert raté qu’un gus probablement bourré aura trouvé intéressant ? Hormis cette fraîcheur des propos, çà ne vole pas très haut, mais bon c’est comme les footballeurs on ne leur demande pas, en plus, d’être forcément des philosophes (salut Vikash!).

Bilge Pump est également longuement interviewé, mais je n’ai eu envie de lire cet entretien, les gueules des mecs ne me revenant pas. Ce sera mon délit de faciès du jour.

Une BD imbitable de 7 pages occupe le cœur du zine ; le pitch : l’histoire d’un mec paumé dont le seul ami est une bite qui dépasse du mur de sa chambre… les artistes, quand même !

Comme dans tout fanzine punk, NH a sa part de « rubriques à la con », comme ce jeu-concours où l’on doit reconnaître à qui appartiennent ces paires de seins ou ces bites dessinées à la va-vite… très private joke, une marque de fabrique du genre. Pour finir, outre quelques chroniques de disques plus ou moins obscurs, j’ai bien apprécié la rubrique « Suggested zine names ».

Niche Homo #2, hiver 2009, A5, 56 pages N&B website

06/06/2009

Scotch + Penicillin, Rennes, France, 1995-2009


Les perzines, littéralement "zines personnels", sont les ancêtres des blogs. Des journaux intimes édités à quelques exemplaires sur papier. Il en existe dans tous les domaines, mais c'est surtout dans le monde de la bande-dessinée que ce support a connu le plus fort développement, nombre de dessinateurs s'étant fait connaître auprès d'éditeurs par ce biais. Ces perzines sont alors essentiellement graphiques: des carnets de dessins, des collections de travaux, des esquisses diverses, que l'artiste finit par publier à faible tirage. Il n'y a pas forcément de cohérence interne, de suite logique... Pourtant, parmi les perzines graphiques, certains racontent "au quotidien" la vie de leur auteur. Rad Party est un inestimable témoignage sur la vie nocturne de la scène "rock" (surtout HxC) parisienne. Plus jamais malade en auto est plus centré indie pop. C'est aussi le cas de S&P, publié par Tony Papin, depuis 1995. C'est en vidant mes derniers cartons de fanzines ramenés depuis Clermont que je suis retombé sur les 17 premiers numéros de ce zine de 8 pages format A6. Le n°17 datait de décembre 2002.
S&P c'est avant tout un dessin épuré, un trait saccadé, un "gribouillage" direct. C'est un artiste qui se cherche et c'est amusant de voir l'évolution du coup de crayon d'année en année. Mais S&P c'est surtout un regard faussement naïf sur le monde de tous les jours. Tony Papin se saisit des multiples pensées - graves, fantasques, incongrues, idiotes parfois - qui nous assaillent tous à chaque instant et les immortalise dans un dessin, un strip, ou une pensée. C'est souvent désopilant.

- "Après avoir mangé du chocolat, si on se brosse les dents, on a un goût de After Eight" (S&P, n°14, 1999).
- "Est-ce que mes parents me préfèrent à Thalassa ?"(S&P, n°14, 1999)
- "Le sang qui irrigue actuellement votre cerveau était dans vos chaussures il y a peine quelques secondes" (S&P, n°16, juin 2000)

Remis dans leur contexte, ces dessins bêbêtes s'inscrivent comme la bande-son idéale de la "nouvelle chanson française" des années 90 (la "chanson bêbête" justement, comme l'avait baptisée un peu trop hâtivement Libé): Katerine et Dominique A en tête.
A ma grande surprise (et joie) , S&P existe toujours. C'est au format blog que Tony Papin (un fan de Lou Barlow ne peut être foncièrement mauvais) continue de distiller sa poésie graphique. Un dessin par jour, c'est peut-être mieux qu'un zine tous les 1, 2, 6 mois... Les fanzines papiers (19 n° au total) ont été numérisés et sont consultables intégralement ici. S&P a franchi la barrière numérique sans encombre: l'esprit du support papier est toujours là, on se sent en terrain connu. D'autres ont plus mal vécu le transfert : Rad Party version blog a, par exemple, perdu le formidable impact graphique du zine papier.
Extrait de Rad Party

Dans la même veine, Un fanzine à la taille de mes ambitions, publié par Anne Bacheley, à Nantes entre 2001 et 2005, et que j'avais interviewé dans Sniffin'Glue.

Scotch+Penicillin, c'est ici

01/06/2009

Self Destruct #1 - Sydney, Australie - 2009

Un zine de 18 pages A4 photocopies NB. Mise en page oldschool: les textes sont imprimés en noir dans des encarts à fond blanc découpés et collés sur des mosaiques de photos assurant l'arrière-plan. Ce zine de Sydney nous propose un portrait du serial killer cannibale Albert Fish en guise de 1ère de couverture et la lettre qu'il rédigea à la mère de l'une de ses victimes, Grace Budd, en 4e de couverture. On ne sait trop pourquoi, peut-être en raison de ces mêmes lettres envoyées aux familes de ses victimes qui concourirent à sa perte - l'auteur tentant une analogie entre sa publication et celle de Fish ? Ce fanzine est en effet le deuxième essai de l'auteur, Gill Perrin, qui en a en rédigé un premier mais a renoncé à le publier pour être sûr d'avoir à regretter ce choix plus tard. Self Destruct est un titre qui n'a donc pas été choisi au hasard, comme en témoigne l'auteur qui déclare que son état mental et physique se dégrade doucement mais surement.
Au programme : Had It pour 3 pages de banalités et de poncifs sur le rock, le punk et le HxC qui finisse par un "Let Sydney Die" de circonstance. Vague impression de lire un rapport de casting pour la Nouvelle Rock Star. Pressures On est nettement plus intéressant et "authentique" (si ce mot a encore un sens) dans sa démarche. Pourquoi préfèrent-ils sortir des K7 démos plutôt que des CDR ? "les groupes hardcore font des K7 démos. Trop de groupes passent trop de temps à faire de belles démos. Mais on ne considère pas que ce sont de vraies réalisations. Les K7 sont plus dans l'esprit", les thèmes des chansons ? "En fait, je n'en sais rien, je n'ai jamais écouté les textes du chanteur, pour moi le hardcore ne doit pas être un guide moral. Je n'ai pas besoin de voir un morveux de 21 ans qui vit chez sa mère me donner des conseils sur la façon de mener ma vie". Deathcage nous raconte sa journée "Je me lève à 5 heures, fais du dessin, sort de chez moi vers 7-8 heures, vais à la salle de gym puis à ma boutique de tatouage. J'achète des disques le midi, je retourne à la boutique et tatoue d'autres personnes, je rentre à la maison, je refais quelques dessins, je dors. Bref, j'ai une vie standard." Idem pour moi, sauf que je me lève plus tard. Le reste de l'interview est également assez sarcastique et vaut le détour. La chanteuse de Crux "adore les tournées en Asie mais regrette de ne pas avoir assez de temps pour aller à la plage à cause des délais dans les aéroports, les trains à prendre, etc.", c'est çà ouais, et en plus, ma jolie, on est complètement jet-lagué, putain de rock'n'roll !
Ajoutez à cela, deux pages de comptes-rendus de soirées/concerts de la même veine que l'excellentissime Rad Party.
Je vous mets ci-dessous la want list vinyles de G. Perrin, une pratique qui revient dans les fanzines punk HxC, un biais pour dénicher des disques sans passer par ebay ou autres distro merchantiles pratiquant des prix prohibitifs. Tous vos messages de haine doivent aller à gill_perrin(a)hotmail.com. Le zine coute AUD$3 chez les disquaires.