01/01/2006

Quality Street #8 - janvier 2006


« C'était un signe des temps, trois gosses se demandant : Qu'allons nous faire ce soir? Graver nos noms dans l'histoire » (Les Nus excellemment repris par Dominic Sonic). Et pourquoi pas graver son nom dans l'histoire avec un petit h, non celle d'une Humanité universalisée, mais celle de la marge oubliée des livres d'histoire, une histoire alternative que chacun refera à sa sauce ad hoc, celle pour qui les archives officielles n'ont pas de place, celle de la rue, celle qui se raconte dans les zines, celle que l'on se raconte quand on a envie d'autre chose qu'une fin de soirée teintée d'un zeste de féminité. Entrer dans l'histoire en éditant un zine ? Et pourquoi pas ? Est-ce une illusion ou bien y aurait-il, désormais, une réelle tendance à la mise en lumière de la presse alternative ? Pas moins de trois rendez-vous consacrés aux fanzines en ce début décembre 2005 (le Vip à St Nazaire, la Lune des Pirates à Amiens, le DIY Boogie à Paris...). Les blogs auraient-ils redonner le goût de l'écriture ? Et du blog au papier, il n'y aurait finalement qu'un cable d'imprimante à électriser ? Laissons aux sociologues le soin d'analyser cette effervescence fanzinesque et aux biogéographes d'estimer l'impact sur les forêts de cette recrudescence de l'activité des photocopieuses (impact dont on conscience certains zines : Copper Press, LE zine de Chicago, ironisait dans l'appel à abonnement de son numéro 21 : « CP utilise du papier. CP sait que le papier vient des arbres. CP vit dans le Michigan. Le Michigan possède beaucoup beaucoup d'arbres. CP pense qu'il y a beaucoup d'arbres. CP utilise de l'encre aussi. CP dort bien la nuit, etc. » Alors contentons-nous de savourer ce fait : de plus en plus de gens font des zines. Au DIY Boogie, les zineurs avaient entre 12 et 52 ans. Encore un petit effort, et les zines remplaceront le Monopoly : de 7 à 77 ans. Signes probables d'une méfiance accrue vis-à-vis de la presse commerciale, contre-coup de la désinformation grandissante, chacun y va de sa prose et son regard sur le monde. Du rock et d'autres choses. Et c'est tant mieux.

Les fanzines se lisent, se regardent et s'écoutent. C'est ainsi que se présente le nouveau-né Soap, adepte de l'impression sérigraphiée. La couleur dominante de ce n°0 est le vert que l'on aurait d'emblée envie de qualifier de vert pisse (ce qui en y réfléchissant bien ne signifie rien, mais ce n° étant consacré au thème de la bière, on comprend un peu mieux l'association d'idée : vert Kro, Kro = pisse, donc Vert kro = vert pisse – oui, je suis un peu tordu, mais on se refait pas). Bref, ce Soap se regarde (BD, graff, peintures, poster), se lit (« Le spermatozoïde de bière ») et s'écoute (un CD compil 10 titres, électro hip-hop ethnique) avec grand plaisir. Le n°1 sera consacré au savon, même si, apparemment, une grande majorité de la rédaction aurait préféré un n° spécial whisky ou pastis. SOAP sera peut-être le premier fanzine à boire ? (enfin, premier de ce siècle, puisque Roger Le Chat n°4 (1993) fut livré dans une caisse en bois avec une bouteille de muscadet (et vendu uniquement dans les bars nantais...). Pas de kronik zines.
SOAP #0, octobre 2005, 20 pages 20x14 cm, 29 rue Marcel Planiol 35000 Rennes soap.asso@gmail.com
P'tain, serait-ce temps de famine au plus profond de l'Auvergne (c'est dire si c'est profond...) ? Plus de salers ou de fromages entre-deux à becqueter ? V'là que les cantalous se mettent à bouffer des disques maintetant ! Mais que fait Action contre la Faim ? Rien, évidemment, parce que les crève-la-dalle dont il est question ici sont des rockers. Le Mange-Disque ? des fous furieux qui « jouent de la guitare avec une raquette de tennis », qui ne « chantent pas sous la douche, parce qu'ils ne prennent pas de douche », « la crème du fond de la classe, les princes de la glandouille, les mozarts de la rèverie stérile, les champions du superflu ». Et en plus ils portent « des jeans troués comme le chanteur de Nirvana », c'est dire si l'on a affaire à une bande de malades. Ces gars sont des observateurs de génie du R'n'r : avec « Basse fidélité, éloge du mauvais matos », « Hate is better than rock'n'roll » ou encore le savoureux « Je hais Claude Gassian » (qui aurait aussi bien pu s'intituler « Comment je suis devenu le Poulidor de la photographie rock ? Ma vie derrière Claude Gassian »), c'est une plongée rétrospective, décalée (esprit DiscoBabel), en diagonale (du fou), dans l'univers de la sueur des décibels qui tachent. Les amateurs de choses rares se régaleront des photos de Blondie (1978-80) signées Daniel Aimé. P'tain le Cantal se révolte, et çà fait mal ! Pas de krokik zines.
Le Mange-Disque #0, novembre 2005, (tirage 100 ex), 46 pages format 45T, 3 €, 1 rue de l'égalité, 15 000 Aurillac mosnier-tele2.fr@tele2.fr

Je vous ai déjà parlé de Copper Press dans quelques QS précédents. Il s'agit de mon zine préféré. Esthétiquement, littérairement, musicalement. Bref total respect à ce carré de 96 pages de 20 cm de côté à couv quadri pelliculée mat. Associé au label 54°40 or fight !, il nous vient désormais quasi-sytématiquement avec une double compil CD des derniers tendances post-everything, folk, hXc, etc. une quarantaine de morceaux oscillant entre auto-productions et extraits des catalogues de 54°40, Sickroom, Phratry, Arena Rock, Tiberius, etc. Notre Cheval de Frise national était même convié dans le n°21. Seul truc étrange : les groupes figurant sur les samplers ne sont pas forcément au menu du zine... mais bon, on ne va pas faire la fine bouche non plus. Un conseil : achetez-les sur la distro BurnOut ou commandez-les directement auprès de CP lors des promos régulières ($3 le zine avec les CD !). Pas de krokik zines.
Copper Press, #21-24, 96 pages, 20x20cm, $5. Po Box 1601, Acme, Michigan 49610, USA.

Onzième numéro du nouveau New Wave de Pat Herr'sang. Sham 69 en couv et pour cause ! Le groupe se reforme et jouera début 2006 à Berlin. Un bon prétexte pour nous rappeler (très rapidement) le parcours de ce quatuor phare de la scène oi! John Waters est également de la partie, pour une bio toujours avisée de ce cinéaste culte du mauvais goût, des séquences scato-trash ou de la violence faussement gratuite. 12 mini kroniks zines.
New wave #11, 8 pages A3, 1,5€. Célia BP n°6, 75462 Paris cedex 10.
C'est du sale, et ça sent le garage : Spacechips en pince fort pour les Mighty Go-Go Players, mais n'aime pas du tout les Vibrafingers. On a envie de découvrir les Hulks sur scène (ils sont peints en vert). On a envie de lapider Volt qui répondant par email à une interview pourtant bourrée de questions pas trop bateaux se sont contentés de réponses lapidaires... Zineurs de tous pays, arrêtez ces pseudos itw par email, c'est tout sauf vivant et c'est chiant à lire : contre productif pour le groupe et pour le zine ! Alors, STOP ! Les kroniks disques font une demi-page : bref, il y a du contenu malgré le format de poche. L'édito me plait bien. Pas de kronik zines :(
Spacechips #1, 20 pages A5, 1€. c/o Philippe Goguely 13 rue de Metz 54000 Nancy pastaga_lova@hotmail.com
Sur la même branche, poussait déjà SDZ qui lui a un parcours un peu atypique chez les zines : d'habitude quand le zine dure il évolue (éventuellement) vers plus de qualité graphique (genre la couv devient en couleurs) et le prix de concert (bref, çà augmente). SDZ c'est l'inverse : les couvs quadri ont disparu et le prix baisse... puisque le zine est désormais gratos ;) AU programme de ce n°14 : Mighty Go-Go Players (dont on comparera avec intérêt et amusement les réponses parues dans Spacechips à des questions assez semblables (par exemple pour avoir une bio bien détaillée mais pas toujours similaire au niveau des dates) et dont on remarquera que les deux rédacteurs se sentent obligés de décoder entre parenthèses les propos de Pierre ;). Ensuite on continue à bien se marrer (mais c'est une habitude avec SDZ) avec les mêmes pseudo-perpignanais désormais répondant tantôt au nom de Two Tears tantôt de Deux Larmes (pas le même groupe : les musicos changent, et la zique aussi). Lars Finberg joue également dans 3 groupes, il vient du Perpignan américain, c'est-à-dire Seattle, bref ce n° est consacré aux hyperactifs du rock crado. Pas de kronik zines non plus... SDZ#14, 64 pages A5, gratuit, c/o Nicolas Mugnier 12 avenue du Parc 92170 Vanves sdzrecords@yahoo.com
Une vie pour rien continue de suivre (à son rythme, c'est-à-dire une fois par an) l'actu de de la scène oi ! The Last Resort en couv pour accompagner leur reformation (c'est une manie chez les quadras : la crise de la quarantaine ne se résume plus à « Chérie, je te quitte », mais « Chérie, je remonte mon groupe ». Du coup, on retrouve aussi les Bérus. Bon, les propos sont dans l'ensemble censés et instructifs. Ca me rappelle qu'en 1988, dans The Gossip, Matoo-Watoo aimait bien glisser une bonne blague du style « Skinhead, offrez leur un cerveau ». Le Skinéthon semble donc avoir eu du succès et la greffe avoir marché... un 45T 4 titres et 30 kroniks zines plus ou moins longues.
Une Vie Pour Rien, BP 30904, 44009 Nantes cedex 1, benjamos@free.fr
Brutallica #10. A la fois bon, brute et truand, ce zine bulgare annuel fête ses 10 ans et ratisse toujours tout ce qui couine dans le metal (avec un penchant particulier pour le black ou le grind). Les 2 CD sont une loghorrée de black-heavy-everything-you-can-imagine-metal. Des interviews d'Obituary, Dismember, My Dying Bride et même Mayhem en guise de plat principal et des dizaines de kroniks de démos venues de toute la planète metal.
Brutallica#10, été 2005, 60 pages A4 +2CD, 5€. Brutallica print, Grigor Parlichev Street, Block 1 appt 1, 5800 Pleven, Bulgaria. manager@brutallica.com

Lilith quitte le papier pour le format CDR. On y gagne des mp3, des extraits de vidéo live de Reborn (metal marocain) et des photos du Fury Fest 2005. Le Cd est accompagné d'un livret 8 pages un peu succinct (1 kronik livre, un zoom rapide sur la zik au maroc et quelques news) mais Fanny recherche des collaborateurs, notamment pour le montage type DVD. Amateur de hXc only. LilithX69@hotmail.com
Les enfants de John Cage, les amateurs de SYR, les fadas de James Tenney, les intellos de la partition vierge se tourneront vers Signal To Noise, le zine des musiques expérimentales et improvisées. Un zine où chaque mot compte (rien d'improvisé dans les écrits), où la précision frôle l'obsessionnel. Les itw sont souvent insérées dans des articles de fond, ce qui est plutôt appréciable (mention spéciale à l'analyse critique sur le producteur hip-hop El-P, déjà aperçu dans STN#31). Une mine de renseignements et une bonne couverture discographique. La multi-instrumentiste nipponne Yoshimi p-we (THE bOREDOMS et ooioo) en couv.
Signal To Noise#33, printemps 2004, 84 p. A4, US$ 4. POB 585, Winooski VT 05404, USA operations@signaltonoisemagazine.org ou le blog.
No Government poursuit son précieux travail d’historien de la scène rock alternative française avec au menu, cette fois, les excellents Al Kapott, Drei Oklok, Haine Brigade, OTH, ND... tout un tas de groupes que l’on se remémomera en ressortant la compil 1984 the Second par exemple. Bref, il y avait aussi une vie en-dehors de CHAOS... Mais où sont les Hot Bugs ?
No Government, 24 p A4, Adrenaline Records BP 2176 51081 Reims cedex


This zine is powered by nuclear energy, printed on bleached paper, uses glossy inks, not afraid by a soiled planet. A polluted planet feeds me!