24/10/2003

Les fanzines : forces de frappe de la presse musicale

Le texte ci-dessous a été originellement publié dans le Magazine Kick Ass #2


L’un des piliers majeurs du milieu musical alternatif est le fanzinat. Il est le relais essentiel des groupes ou labels naissants, le dénicheur des nouvelles tendances musicales, le vecteur d’idées marginales, parfois radicales. Indépendants d’esprit, non inféodé à l’industrie du disque, il navigue plus ou moins à vue, apparaît, disparaît sans préavis, toujours réapparaît sous une autre forme. Revendiquant haut et fort sa marginalité, il possède une aura forte dans le milieu undergound qui accordera davantage de considérations à ses critiques qu’à celles de la presse mainstream.

C’est quoi exactement un fanzine ?

Les fanzines (contraction de FANatic magaZINE) apparaissent à la fin des années 20 aux States, dans le milieu de la science-fiction (The Comet), il s’agit de journaux amateurs faits par des passionnés pour leur propre plaisir. La distribution est médiocre, les moyens financiers quasi inexistants. Le fanzine est un média de rue, fait par la base pour la base et qui ne passe pas par des spécialistes auto-proclamés. C’est un média qui échappe donc aux diktats imposés par le capital et la société de consommation. Pour faire simple, disons que ce qui le distingue catégoriquement de la presse commerciale, c’est l’absence de capital économique, le manque de gestion professionnelle et un réseau de distribution précaire.


Les fanzines musicaux

Il faudra attendre la secousse punk du milieu des 70’s pour voir apparaître le fanzinat musical sous la forme qu’on lui connaît aujourd’hui ; avant cela, seules quelques entreprises éphémères de journaux essuyant des échecs commerciaux laisseront l’illusion que des fanzines existaient. Avec le punk, deux idées a priori révolutionnaires vont donner aux fanzines leur raison d’être : le DIY et le No Future. Lorsque Mark Perry (Alternative TV) lance Sniffin’glue en 1976, son idée est la suivante : «aucun organe de presse britannique ne parle des Ramones et de cette nouvelle musique qu’ils jouent, je vais donc le faire moi-même !». Crayons feutre, ciseaux, colle, machine à écrire. Les ingrédients sont réunis pour créer une nouvelle forme de média : le fanzine DIY. Le premier numéro de Sniffin’glue est tiré à 50 exemplaires, le dernier, un an plus tard, le sera à 8000…

Média viscéralement éphémère (la plupart des fanzines ne franchissent pas le cap du premier numéro), le fanzine est en même temps éternel : comment expliquer sinon que les trois-quarts des fanzines punks sont, formellement, des copies conformes du modèle proposé par Sniffin’glue ? Beaucoup de fanzineurs avouent d’ailleurs que leur vocation vient de la lecture d’autres fanzines. Contrairement à un média mainstream dont la longévité dépasse allègrement les décennies (le NME est né en 1956, Rock & Folk en 1966…), le fanzine a une durée de vie courte (3-4 ans en moyenne) qui correspond souvent à une période de faible activité professionnelle des rédacteurs (lycéens, étudiants, chômeurs). Mais cette volatilité du fanzine lambda est compensée par la multitude de titres disponibles : il existe probablement 500 à 600 fanzines musicaux en France en permanence (une centaine orientée punk), même si le renouvellement des titres est important. Le fanzinat est donc une immense machine constituée de multiples rouages qui se relaient indéfiniment.

Rares sont les fanzines qui durent en gardant leur éthique alternative originelle : MaximumRocknRoll (USA, mensuel né en 1982) et Abus Dangereux (France, bimestriel né en 1987) font figure d’exceptions. D’autres ont tenté l’aventure commerciale (Magic Mushroom), se cassant souvent les dents et revenant à la formule originelle (New Wave, le pionnier français du fanzinat rock (1980) a essayé 3 formules différentes avant de revenir à son format originel en 2002.

Extension du domaine de la lutte

Les fanzineurs ont cette autre particularité d’être souvent polyvalents : animateurs radio, musiciens, fondateurs de labels ou distributeurs, ils occupent la scène rock toute entière. Le fanzinat est aussi un sport de combat.

01/10/2003

Quality Street #2 - octobre 2003




No Government n°47, 28 p. A4, 2
Sept pages d’une itw passionnante avec Marsu, l’ex-porte parole des BxN et véritable mémoire vivante du rock alternatif des années 80. Itw de Brigada Flores Magon, des Disasters et des Krays. 25 chroniques zines. A propos de NoGov, l’anthologie 1985-2000 est toujours disponible : un livre de 152 p. imprimées en offset qui retrace les meilleurs faits d’armes de ce fanzine, un best off des 45 premiers n° avec Les Rats, Les Sheriff, BxN, OTH, ReichOrgasm, Komintern Sect, des labels, des fanzines: le Silence de la rue, New Wave,Chaos productions, Combat Rock, etc. 20 quand même.


Black Lung n°10, été 03, 32 p. A4, 1,5 ou échange.
Zine HC à tendance skate-punk (au moins 7 photos ou dessins de skate) avec un courrier des lecteurs assez sauvage où, au vu du nombre de xx qui entourent les signataires, ça sent le sXe à plein nez. Itw des Reagan SS et de Infect, un excellent groupe HC brésilien 100% féminin, itw 39 Francs le kilo, nouveau groupe de «fastcore hurlé à tendance grind». 5 p de comptes-rendus de concert sur la moitié N de la France (Angers à Bruxelles, en passant par l’IDF et Reims), 20 kroniks zines HC (distro : Burn out).



Don’t care n°3, été 2003, 22 p. A4,1£
Jeune zine londonien au format A4 italien, couv. photocopie couleur où l’on va retrouver tous les clichés du punk : épingles à nourrice, doc martens, caractères découper/coller.
Itw de Beans, 4 ft fingers, Crashed Out, Choking victim, des articles sur les droits des animaux, sur la torture et les expérimentations animales par un responsable du site Londonpunks. Faut-il voir dans cet article l’irruption des punks à chien dans le fanzinat ? Les néo-punks londoniens nous font du Birgit Bardot avec 20 ans de retard, finiront-ils eux aussi fachos ? Pas de chroniques zines.


Voodoo Smile, n°8, 42 p. A4, 4
N° essentiellement consacré à l’année 1985 des Cure (The head on the door) : Bobby DJ sur NRJ, Bobby à Bercy, hello Ms Barbarian, discographie détaillée (promo, pressages brésilien, espagnol, japonais, etc.) les dates et les track-lists de chaque concert, l’année est passée au peigne fin (rien sur le Rainbow warrior cependant : Bobby n’y était vraiment pour rien). Itw des auteurs du livre Clinical prescriptions 1976-1987, du groupe rennais Insight et de Violet Stigmata.


Arrière plan n°8, juillet 03, 20 p. A5, prix libre
Un drôle de zine des environs de Chambéry: des private jokes et de la grosse déconne comme ingrédients principaux: «kroniks et débilités en tous genres, concerts inin-téressants». Si vous êtes fans de You fuck my wife and you like that, Chili con bitches ou John Claudel c’est pour vous. Interview de Zu en passant, et puis quelques perles de scènes (rubrique Frazalacons): « C’est en ce moment shabbat ? » (Purple teeth), « C’est quoi un jack ? » (John Claudel). Par les animateurs de l’asso Body Farm.

L’ordonnance n°1, février 03, 32 p. A4, 2
L’ordonnance nous rassure dans son édito: le rock n’est pas mort! Ouf! Et il nous le prouverait donc avec un sommaire « indé-pop-wave française », à savoir : Patrick Eudeline, Madinkà (vous savez, les clones d’Indochine 2001), Daisybox (vous savez, les clones d’Indochine 2002), HF Thiéfaine. Des comptes-rendus de concert (tous au Zénith) où la jeunesse parisienne frôle la débauche : JL Aubert, Indochine (où il y avait pleins de corbeaux goths, ouhlala), Bowie, Noir Désir. Un zine qui n’a peur de rien et propose des interviews super engagées et super profondes : «L’arrivée de la droite au pouvoir est-elle une menace pour le rock en France?», «Le rock est-il mort?» (question posée à tous les groupes), «Que penses-tu des utopies?», «Aimez-vous les interviews?», etc., il y en a des pages et des pages, je me demande même si c’est pas Nicola Sirkis qui les écrit. Un dernier extrait qui vous permettra de juger le niveau de ce zine de bourgeois parisiens : « A la sortie, dans le hall du Zénith, les stands du MRAP, SCALP et autres CIRC, où chacun fait le plein de tracts qu’il ne lira peut-être jamais, mais c’est déjà bien que ces assoces existent » !!! Vous pouvez envoyer vos mails d’insultes à stokker@free.fr.

High powered n°3, 2000, 60 p. A4, 20 F
Ouaips, je sais c'est pas tout jeune. Mais juste l'envie de saluer ce zine HxC DIY entièrement écrit à la main et mis en page aux ciseaux à la colle UHU. Une itw de No Innocent victim, groupe de HC chrétien, des reports sur les scènes portugaise et limougeaude et des tonnes de kroniks disques. S'il passe sur une distro, n'hésitez pas.




Missing you is killing me, chapitre 1, été 03, 1 (distro Burn out)
Un perzine inspiré par Waiting for an angel. Quelques jours d'écriture, étalés sur 6 mois, d'un étudiant-infimier en première année. Une "inaccessible" étudiante de troisième année, Marie, qui revient comme un leitmotiv. Le problème du tatouage pour faire un stage infirmier. Ne pas dormir pendant la canicule. Le suicide au doliprane. Bio de Danone. L'écriture est assez inégale, des passages vraiment intenses, d'autres totalement plats. La vie d'un étudiant ? A suivre en tout cas.


Punk Planet n°52, dec. 02, 178 p A4, 5$
PP est une sorte de MaxRnR intello, mélangeant musique et débats de société. En Une, un dossier sur le porno punk (filles tatouées, percées, cheveux colorés et adeptes de la DIY attitude (!) où comment les codes tribaux issus des nouveaux courants musicaux investissent désormais l'industrie du cybersexe. Denali en itw :"c'est drôle le punk : c'est censé être contre les règles, mais dès que tu es étiqueté 'groupe punk' tu dois suivre des règles très strictes". Une itw fondamentale de Michael Parenti, un philosophe qui se bat pour une plus grande justice sociale aux USA, et une diminution de leur interventionnisme impérialiste (une voix bien discordante dans le contexte patriotique post 11-09). Il montre aussi comment Georges II et son crew ont profité du 11-09 pour instaurer de nouvelles taxes et augmenté le budget militaire ($400 Milliards aujourd'hui) et réorienté toute leur politique nationale et étrangère vers une sauvegarde des intérêts des Fortune 500 (les 500 entreprises les plus riches). And also : Hissyfits (riot grrrls), Blow back (riot mnnnn), Christian Marclay (pump up the volume, mp), un article sur la White power music aux Usa... bref, c'est comme toujours tellement puissant qu'on se met à aimer, un temps, les Américains (enfin, ceux-là).

Burn out n°9, sept 03, 76 p. A4, 2
Attention gros calibre : au moins 500 chroniques disques, rien n'échappe à Phil Kieffer et sa bande d'activistes, véritables RG du HC punk (mais aussi du rock expé : 3 acoustic cymbals par ex.), bref de la scène alternative. 25 kronik zines, itw de Pignation, Crowpath, Cattle press, Costa's Cake House (ma vue a baissé de 2 dixièmes) et Hurtmold (du math rock brésilien à se procurer urgemment), les 10 pages de distro Burn out (où l'on retrouve les sus-cités), les billets de Flo (Dead for a minute/fanzine Cliché) et Phil sur la révolution culturelle situationniste 50 ans après (pour faire court). Et puis n'oubliez pas d'aller faire une raffle sur Shogun rcds.


Rad Party n°33, 100 p. A6, 2
Dans la plus pure tradition du perzine rock à la Plus jamais malade en auto, RP se démarque par une productivité époustoufflante, par ce style graphique inimitable (tout est manuscrit) et par une vraie qualité littéraire. Entre errances sentimentales, errances dans l'underground parisien (plutôt marqué HxC), errances discographiques (des feelings plus que des chroniques de disques, on apprécie la nuance), ça tranche forcément avec la presse rock mainstream (que monsieur Steph fréquente de très près pourtant), mais c'est bien là l'essence des bons perzines. A découvrir absolument, pour adultes et adolescents.

Plus Rien n°16, 12 p. A5, 1 timbre.
Feuille d’infos support écrit de l’émission « Ecrasons la vermine » sur Radio Campus Lille. Fanzine orienté punk, mais proposant également des critiques de films bien loin des Cahiers du Cinéma, ce dont on ne se plaindra pas. Des billets d’humeur ou de réflexion sur la société, qui sont loin d’être à côté de la plaque : « Pourquoi la ville est malsaine ou comment il est difficile d’être punk aujourd’hui » ou encore « L’alimentation bio et les inégalités sociales ». Chroniques disques et actus des zines en sus.

Kangourou n°18, 30 p. A4, 2,50
Dernier bastion du fanzinat punk de la région clermontoise, le zine de Pascal est toujours une mine d’infos sur toute la scène punk française. Des pages bourrées à craquer de news, 9 chroniques zines, des itw des vieux de la vieille : Parabellum, Klasse Kriminale, BB Coyotte (illustrateur qui traîne dans le fanzinat depuis le milieu des années 80 et qui a des choses intéressantes à dire), et des plus jeunes (Real Mc Kenzies, Dobermann, Skuds and panic people). Deux pages de comptes-rendus musclés du sommet du G8 en Suisse. Et puis bcp de kroniks disques.
zines, des itw des vieux de la vieille : Parabellum, Klasse Kriminale, BB Coyotte (illustrateur qui traîne dans le fanzinat depuis le milieu des années 80 et qui a des choses intéressantes à dire), et des plus jeunes (Real Mc Kenzies, Dobermann, Skuds and panic people). Deux pages de comptes-rendus musclés du sommet du G8 en Suisse. Et puis bcp de kroniks disques.

Eclectic Metal Art n°1, 28 p. A4,3
Un créneau qui va du heavy au black extreme selon la couv. Cela passe aussi par The Gathering et Lacuna Coil dont on trouve un historique détaillé (discographie et line-up). La partition manuscrite du morceau «Elvenpath» de Nightwish est totalement hallucinante, un sacré boulot de quelqu’un qui a de l’oreille (le staccato sur le premier A5 de la 7e mesure du riff 4X1 fallait le trouver). 3 pages sur les vampires, la photo de la Sierra Cosworth des metalleux dijonnais Eclectika, des comptes-rendus de concerts de Dungortheb, The Gathering/Pale forest, Strapping Young Lad, parfois très détaillés (vous trouverez la marque des guitares et la couleur des tenues vestimentaires) et une itw, la seule, de Misanthrope. Un zine qui débute mais qui promet.

Les contacts
Burn Out c/o Phil Kieffer 37, rue du Mont d'Arène 51100 Reims
Punk Planet PO Box 57479 Chicago, IL 60657, USA
High Powered c/o Wilfried Touzalin 1, rue du Faubourg St Georges 87700 Aixe s/Vienne
Voodoo Smile 202, avenue de Lattre de Tassigny 83130 La Garde voodoo.smile@wanadoo.fr
Eclectic Metal Art c/o Sébastien Regnier 15 rue du château d'eau 21160 Corcelles les Monts Arrière Plan 5 square des floralies 73000 Bassens
Kangourou c/o Pascal Brulé hlm Gandaillat bat 3 63370 Lempdes brule.pascal@free.fr
Missing you is killing me c/o Marc Navel La grange neuve 01400 Chatillon sur Chalaronne trashfastdie@free.fr
No Government c/o Adrenaline records BP 2176 51081 Reims juliette.dazy@wanadoo.fr
Black Lung c/o Alex Simon 57 avenue du Général Morand 91600 Savigny-sur-Orge blacklung77@hotmail.com -
Plus rien KALIMERO, BP 21, 59007 LILLE cedex plus@no-log.org
Don't Care punxnotdead25223@aol.com
Rad Party c/o Small Budget Productions (Stéphane) BP n°07 78110 Le Vésinet cedex

Quality Street peut être volé, emprunté voire photocopillé à volonté. Il peut également être téléchargé gratuitement via Soulseek.